voir l'article paru dans Paysans Bretons, le 29 janvier 2016
http://www.paysan-breton.fr/organisations-agricoles/le-lait-bio-reve-dune-croissance-harmonieuse/
La filière à peine sortie des quotas et le lait conventionnel
dans la panade, les représentants de l’OP transversale APL Bio Seine et
Loire rêvent de réguler, d’une manière ou d’une autre, la collecte de
lait bio pour protéger leur créneau porteur.
Partout, dans les Gab, les Chambres d’agriculture, les services de
Contrôle laitier, les centres comptables… les téléphones sonnent. Des
producteurs se renseignent sur la possibilité de passer en bio. Le
contexte extrêmement dégradé en lait conventionnel a déjà pour
conséquence l’augmentation sensible du nombre de conversions et
certains responsables de la filière labellisée s’inquiètent de cet
intérêt grandissant redoutant une crise de croissance. « Entre mai 2014
et l’automne 2015, les élevages entrés en conversion représentent 60
millions de litres de lait qui vont arriver progressivement sur le
marché dans les mois à venir », rapporte Yvan Sachet, animateur de l’APL
Bio Seine et Loire. La tendance s’accentue d’ailleurs : « Pour 2016, on
parle de 100 millions de litres entrant en conversion. Autant de
volumes qui seront, une fois certifiés, collectés en 2018. »
Justement, l’assemblée générale de l’APL Bio Seine et Loire, au Rheu,
mardi 26 janvier, s’est concentrée sur la question « des outils de
régulation des volumes ». La trésorière de l’OP, Karin Sidler, installée
dans le Calvados, n’a pas hésité pas à mettre les pieds dans le plat : «
Notre souci aujourd’hui est le nombre de conversions en bio parce que
le conventionnel est en crise. C’est une tendance qui nous fait du mal… »
Côté industriel, Gérard Maréchal, de Lactalis (seule laiterie
représentée parmi les six invitées), est allé dans le même sens. « Dans
le cadre de l’après-quotas, nous vivons un tournant dans le cadre de la
bio depuis des mois. Face à tant de demandes de conversion, nous
manquons de réflexion. Cela pose aussi des problèmes en termes de
contrats et de transferts de volume. D’autant qu’on sait que le prix se
construit par rapport au volume… Doit-on du coup limiter les producteurs
déjà engagés qui pourraient avoir la capacité de faire plus de lait ? »
Même si les deux ans de conversion laissent le temps de voir venir, les
producteurs bio rêvent « d’une gestion cohérente globale pour sécuriser
le marché ». Mais le mayennais Éric Guihéry, secrétaire de l’OP
transversale, regrettait que « l’Europe ultralibérale » ait cassé les
outils de cette maîtrise. « C’est vrai, la régulation sur les volumes de
lait est désormais interdite », poursuivait Martial Marguet, producteur
en Franche-Comté et élu à la FNPL et à l’Institut de l’Élevage, invité
comme témoin. « En Comté, nous faisons de la régulation via le fromage.
Le volume est ajusté grâce à la productivité laitière à l’hectare
accordée à chaque éleveur, calculée à partir de sa référence de 2013 et
de sa surface Pac. Et nous ne donnons pas de nouvelles accréditations
pour le bien de toute une filière… »
« La crise n’est pas chez nous »
Gérard Maréchal reprenait : « Pour les conversions, nous savons déjà
dire oui ou non à un dossier de demande. Demain, il faudra peut-être
prendre ces décisions avec les représentants de l’OP… Le débat est
ouvert. » Patrice Lefèvre, président de Lait Bio de France, fédération
qui rassemble 1 200 éleveurs, voyait là « une main tendue » du
représentant de Lactalis pour trouver « un outil de maîtrise des
conversions » pouvant compléter d’autres idées comme « une mutualisation
des déclassements et des retards de mise en marché des laits
nouvellement convertis. » En conclusion, Alain Delangle de la Fnab,
relativisait tout de même : « Il y a le même type d’inquiétude en
filière céréales bio. Mais attention, le bio en France, ce n’est que 5 %
des surfaces. Ne soyons pas sclérosés, la crise n’est pas chez nous. »
Toma Dagorn